Qu’est-ce que cela vous évoque ? Ces 4 mots.
autoroute   éclipse   bonjour   vapeur 
Juxtaposés, côte à côté, sans hiérarchie, sens ou ponctuation. Où est-ce que cela nous emmène ? Ce titre.
L’exposition aurait pu s’appeler & co.: commoncore, comme une assonance faisant résonner les co- en écho : COmmun - COllectif - COllaboration - COcréation - COmmunauté - COhabitation - COexistance - COnnexion, COïncidence, COordonner, COllégial − avec. Mais dans le choix de ce titre, plutôt que de dire ou décrire, pourquoi ne pas faire ? autoroute éclipse bonjour vapeur, cette suite de mots, d’apparence arbitraire, est en réalité le fruit d’une tentative de collaboration, non pas à 4, mais à 14 mains, plus ou moins réceptives. Parti de l’ambition de choisir un titre à plusieurs, de manière inclusive et sans hiérarchie nous sommes, avec certaine.s, finalement retombé.e.s, à force de discussions et d’hésitations, sur la nécessité d’imposer une règle, même molle, comme impulsion. Sorte de tambouille maison, ce titre est donc le résultat d’un protocole, d’une mise en commun, de négociations, de rires, de frustrations, de votes, d’abstentions, de compromis et dont l’étape la plus difficile aura été de faire un choix − final. Mais autoroute éclipse bonjour vapeur dont le protocole de base aura été que chacun.e des membres de l’exposition donnent de manière anonyme le mot de son choix, n’est-il pas au final simplement un conglomérat d’individualités colmatées ensemble ?
Qu’est-ce que cela signifie réellement faire avec ?
Le point d’origine de cette réflexion est un événement tragique : la destruction malveillante de la toiture de l’artist-run space in.plano par son propre bailleur le 27 mai 2022. Un choc − qui a impacté ses 12 membres individuellement, et par ricochets leur entité collective. Qui ne serait pas ébranlé lorsque le toit qui vous rassemble et vous unit vous tombe littéralement sur la tête ? En perte de lieu et forcément de sens, les 12 artistes du collectif ont dû sonder individuellement et collectivement les liens, les enjeux et les raisons qui faisaient d’elleux un collectif. Un processus réflexif qu’iels leur a semblé important d’ouvrir à travers la mise en place d’un cycle d’expositions et d’événements intitulé Collective Dreams?.
1 an 7 mois et 16 jours plus tard, nous sommes le 12 janvier 2024, il est 11h15 et Jagna et Carla et Carolina et Laure et Joon et Konstantinos et moi sommes enfin réunis tou.te.s les 7 autour d’une même table pour discuter ensemble à notre projet collectif.
autoroute éclipse bonjour vapeur est la réponse de 6 artistes, et de leurs invité.e.s respectif.ve.s, à ma proposition de départ : réfléchir ensemble − familiers et inconnu.e.s − à ce que cela signifie d’aborder la collaboration, la mise en commun et le collectif au sein d’une exposition collective impulsée par le collectif d’artiste in.plano et réalisée au sein d’un autre lieu de mise en commun : le DOC. Habitué.e.s à collaborer pour certain.e.s, mais pas pour d’autres, ces 6 artistes sont donc appelé.e.s à se positionner et à trouver leur place en cohésion, en dehors, à l’encontre ou à la périphérie de cette mise en commun.
Si je dois me positionner, moi aussi, je dirais qu’il existe, pour moi, différentes manières de collaborer ensemble, de faire groupe ou d’être un collectif. Il y a bien sûr le mode idéal : la collaboration dont le point d’équilibre a été trouvé à force de patience, d’écoute, de respect, d’échange et de réflexion, où chacun.e des participant.e.s est consentant.e et choisi.e et accepté.e par l’autre ou les autres. Cependant, il me semble qu’il existe aussi des collaborations dysfonctionnelles et artificielles qui, même si elles se rapprochent parfois de prêt de l’échec, n’en demeurent pas moins le résultat de processus collectifs. Il arrive même parfois que la collaboration dérape et devienne même malveillantes pour les participant.e.s. Des collaborations où le dialogue se ferme, où l’absentéisme s’accroît, où les échanges deviennent forcés, et les prises de décisions des agonies. Peut-être que la question serait justement : jusqu’où peut-on prétendre collaborer et étendre ce principe de collaboration ? Est-ce que lorsque que l’on en arrive à se crier dessus peut-on toujours appeler cela de la collaboration ? Qu’est-ce qui fait l’essence de cette notion ? Jusqu’où la balance peut-elle se déséquilibrer ? Est-ce les mêmes limites à 2, à 14 ou à 40 ? Et est-on en droit de refuser d’appeler collaboration tout travail collectif qui ne respecterait pas l’équilibre, la bienveillance et la bienséance ?
Et pour vous, qu’est-ce que cela signifie collaborer ?
Et si, comme me le chuchotait hier C., la collaboration n’était au final que des instants de grâce? Une succession de courts moments où des individu.e.s s’agrègent autour du même objet.
Une exposition, par exemple.
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